Il est une figure puissante, maligne, autoritaire, qui nous tient prisonniers-ères: notre raconteuse d'histoires. Perchée sur notre épaule, elle sussure à notre oreille ses théories convaincantes. Elle est si insidieuse, qu'on la confond même parfois avec notre intuition. Attention danger!
Mais quels sujets vient-elle donc titiller, cette coquine?
la culpabilité
les loyautés (surtout vis-à-vis de la lignée)
les conditionnements sociétaux (notamment la place de la femme. Je vous recommande à se sujet les livres de Liv Strömqvist, de Titiou Lecoque et de Mona Chollet.)
les perceptions que les autres ont de nous (le jugement, la honte, les préjugés)
les croyances limitantes (il faut faire ça pour obtenir cela, les autres ne m'aiment pas.)
les hypothèses sur les pensées des autres
les comparaisons (l'herbe est tellement plus verte chez les voisins.)
Vous avez remarqué? Il s'agit à chaque fois de constructions extérieures à nous-mêmes, de couches de soi-disant vérités. Alors comment les déconstruire, sachant que la raconteuse d'histoire vient nous dicter nos comportements, nos actions, subrepticement, en se faisant passer pour notre intuition. Et l'on en vient à penser: " Ma petite voix m'a dit..." Oui, mais: d'où vient-elle, cette petite voix?
Intuition vs coups de marteau
L'intuition se ressent dans le corps, elle nous parcourt comme un courant chaud, elle est bienveillante. Le murmure de la raconteuse d'histoire se loge, lui, dans la tête. Il nous martèle pour se faire entendre, nous oppresse. Il précipite les idées, les mélange, nous force à choisir artificiellement parmi un tas de propositions. L'intuition est plus légère, évidente, douce. Plus on l'écoute, plus on développe l'intime conviction de ce qui est juste pour nous.
Retour à soi
Lorsque l'on vit une situation difficile, par exemple une séparation, on a tendance a passer beaucoup de temps à analyser l'autre. "S'il a fait ça c'est parce que par le passé, il a..." / "Si elle a pris cette décision c'est parce qu'en fait elle-même vit une situation difficile..." / "Si je prends mes distances, je vais lui faire du mal" / etc., etc. À quel moment est-ce que vous avez pensé à vous, à vos besoins, à vos limites? Il ne s'agit pas d'être égoïste ou égocentré, mais de rester à l'intérieur de vous, proche de vos ressentis pour ne pas vous égarer en projections hypothétiques sur l'autre. Rappelez-vous du 3ème Accord toltèque: "Ne faites pas de suppositions."
Oeuvrer pour soi-même
Un proverbe dit: "Aide-toi et le ciel t'aidera." Pendant longtemps, je n'étais pas sûre de comprendre. L'éclairage qui me vient aujourd'hui, est la nécessité d'oeuvrer pour soi en se détachant des constructions extérieures que j'ai listées plus haut.
La culpabilité n'existe que dans une relation, elle n'a pas de vie propre. On la laisse entrer, on l'accepte et on se l'impose à soi-même.
Les loyautés nous sont dictées par un système familial, une histoire familiale (parfois on n'était même pas né-e-s!) dont les ressorts empiètent sur notre intégrité.
Les conditionnements sociétaux sont un amas (nauséabond) de limitations issues de la société patriarcale aussi néfastes pour les femmes que pour les hommes qui croient en l'authenticité des rapports humains.
Les spéculations sur les perceptions que les autres ont de nous, tout comme les hypothèses sur les pensées des autres et les croyances limitantes ne sont que des dictats généralement sans fondements objectivables.
Les comparaisons viennent pallier de manière artificielle une frustration, un vide en essayant de s'approprier des choses ou des états qui ne nous appartiennent pas.
And so what, me direz-vous? Comment sortir de cette prison que bien souvent on chérit, alors que la sortie est si proche ?
Eh oui, bien souvent nous sommes attaché-e-s à ce qui nous emprisonne. Pourquoi? Car la liberté implique une prise de responsabilité.
Qu'est-ce qui nous appartient?
Il est un exercice fort utile à faire dans les situations embrouillées (celles où la raconteuse d'histoire, particulièrement bavarde, nous égare): prendre de la hauteur et démêler ce qui nous appartient et ce qui ne nous appartient pas. Autrement dit, prendre ses responsabilités. Une amie me confiait l'autre jour un reproche que lui avait formulé sa soeur: "Tu prends nos parents pour tes domestiques en leur confiant aussi souvent tes enfants." La soeur s'est-elle vu assigner un rôle de justicière universelle pour énoncer de telles accusations? Si les parents se sentent en effet confinés au rôle de domestiques, c'est à eux d'en faire le rapport. Et peut-être que la soeur souffre elle-même de la charge que représentent ses enfants et il lui semble injuste que mon amie bénéficie d'une aide qu'elle-même n'a pas demandé. C'est donc à la soeur de mettre en avant ses besoins. Rien dans le reproche qui a été adressé à mon amie ne lui appartenait, en fait. Vous voyez le truc? Il convient de distinguer ce que l'on retient et ce qu'on laisse couler. Être moins perméable, en somme. Pour rester dans un vocabulaire de randonneuse: assurer sa respirabilité ;-)
Remplacer les paroles de la raconteuse d'histoires par les vôtres
Tout ceci étant dit, vous voyez qu'il y a de nombreux outils pour faire taire la raconteuse d'histoires. Evidemment, cela demande du calme, de ne pas être pris par les émotions, d'avoir de la distance.
Et vous, avez-vous d'autres astuces pour faire taire la raconteuse d'histoire? Vos commentaires sont les bienvenus!
Je peux quant à moi vous proposer encore un outil intéressant: raconter vous-mêmes votre histoire à d'autres personnes. Ceci vous permet d'éditer votre histoire (à ce sujet, je vous recommande également la conférence TED de Lori Gottlieb). L'opportunité idéale pour ce faire sont les cercles de parole et j'ai le plaisir de vous annoncer que j'en propose dès le mois d'avril.
Pourquoi les cercles de parole?
Car les cercles permettent d'accéder à soi dans un espace sécuritaire et bienveillant, de déposer ses émotions avec authenticité: grâce à l'énergie du groupe.
Car les mots guérissent les maux: grâce à la médecine de la parole.
Car les paroles des autres apportent un éclairage sur nos blocages: grâce à la force du lien qui se créé naturellement dans l'assemblée.
Dans un lieu cosy et concentré, plusieurs personnes s'asseyent en cercle, formant ainsi un espace sécuritaire et bienveillant, à l'intérieur duquel chacun-e dépose tour à tour ce qui l'anime, sans jugement, sans conseil. Tout simplement, on se libère et on se connecte à soi: c'est la magie des cercles de parole!
Soyez les bienvenues et à bientôt! PS: invitation à ne pas transmettre aux raconteuses d'histoire ;-)))
Un énorme merci pour ce message qui une fois de plus tombe à pic! ❤️
En remettant notre boussole dans notre coeur, alors que nous avons pris la mauvaise habitude de la mettre dans notre tête, alors nous ferons taire la raconteuse d'histoires. Nous pourrons mettre alors la tête (c'est à dire notre mental) au service de notre coeur (c'est à dire notre intuition). Mais le chemin de ces 30 centimètres de la tête au coeur est parfois bien difficile à parcourir et nous demande de reprendre la responsabilité de notre vie.
J'aime l'idée de ces cercles de femmes qui sont très certainement une merveilleuse manière de pouvoir revenir au coeur.
Et j'espère avoir bientôt l'occasion d'échanger avec toi, sur les processus d'éveil de la conscience que j'anime aux côté de Nicolas von Burg.
Merci…